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Présidentielle de 2021 au Bénin : Le parrainage, un acte républicain

Depuis la réforme du système partisan en République du Bénin, une certaine classe politique ne cesse d’étaler ses inquiétudes par rapport à ce qu’elle qualifie de « verrou ». L’approche des échéances présidentielles fait resurgir immanquablement le débat sur le parrainage. Importante condition pour être admis à concourir pour les présidentielles de 2021, le parrainage des candidats avant le premier tour par les élus de la République (députés et/ou maires) est jugé tantôt anti-démocratique, tantôt régulateur ou légitime selon diverses opinions. De la société civile à la classe politique, le disque des points de vue tourne en boucle dans les médias et sur les réseaux sociaux. Il faut certes reconnaitre que ce système paraît bien modeste au regard des enjeux politiques et institutionnels liés à la désignation du Chef de l’Etat. Mais ce tournant marque cependant  la possibilité d’expérimenter une nouveauté.

Il convient d’analyser la question du parrainage au Bénin sous plusieurs contours en ces périodes décisives où les partis politiques sont très conservateurs et tous les élus cherchent une place dorée sous le soleil du Bénin révélé.

Pour les présidentielles d’avril 2021, il est en effet exigé pour être candidat un certain nombre de « parrainages ».  Cette quête de parrainages mobilise déjà les équipes des candidats potentiels en cette précampagne. Sans comprendre le concept, ses enjeux et exigences, beaucoup pensent que ça doit se monnayer. Et déjà, les grandes manœuvres sont en cours, … Mais est-ce- bien là, l’esprit de la disposition ?

L’acte de parrainage est au centre de la relation bien difficile entre le droit et la politique. En France par exemple, tous les acteurs politiques, administratifs ou juridictionnels interviennent à un moment donné dans le dispositif des parrainages c’est-à-dire sa mise en œuvre, et son efficacité pour des élections crédibles. Le parrainage est en effet un engagement, une forme de caution morale qu’une personne, une autorité accorde à quelqu’un qui peut-être un parent ou une connaissance. Bref, c’est un devoir d’assistance auquel cette dernière s’engage envers un tiers. Pratique très connu dans certains milieux, on parraine par exemple un enfant pour son baptême ou un couple pour son mariage civil. Parrainer un enfant, c’est y veiller, c’est lui fournir le soutien et les moyens nécessaire pour son épanouissement et sa réussite. Le parrainage engage donc la responsabilité du parrain ou de la marraine.

Le parrainage politique très peu connu au Bénin est bien plus sérieux. Parrainer X pour la présidentielle d’avril 2021, c’est déclarer sous le serment d’élus que le potentiel candidat « a les capacités de leadership, de management, un réseau de relations dignes dans les milieux politiques, économiques, administratifs, diplomatique, … pouvant lui permettre une fois élu, d’exercer le pouvoir d’Etat. Cette déclaration réitérée par maintes sources doit traduire le parcours, la longue et mure expérience du candidat. Bref, sa vie, ses combats et son engagement. L’acte entouré d’un certain formalisme, est en effet destiné à favoriser des candidatures crédibles. Comme une déclaration de bonne moralité, le parrainage d’un maire ou d’un député doit être un témoignage des qualités (travailleur acharné, patriotique,…) et vertus du candidat (esprit d’humanité, de justice pour les causes sociale, sociétales,…)

C’est à cette démarche citoyenne, bien républicaine que nos députés et maires sont désormais conviés. C’est ça la quintessence du parrainage et il est bon de le savoir pour cesser le bavardage.

De façon pragmatique, personne et  même pas une institution ou un parti politique ne devrait interdire ou manipuler un élu dans la pratique de cet acte républicain. Pour son efficacité, le parrain d’un candidat devra laisser parler en la fibre patriotique et surtout l’intérêt supérieur de la nation. Il faut donc croire au candidat pour le parrainer.

Acte prudentiel ou révolution ?

Cette volonté de migrer vers un système politique s’inspirant des grandes démocraties nous permettra de poursuivre notre marche démocratique avec un peuple et des instances qui suivent la marche du monde.

Acte prudentiel, pour le législateur c’est un filtre pour dissuader les candidatures fantaisistes et de marchandages de voix au second tour. Ce filtre est qualifié de verrou selon les opposants qui pensent que cette disposition vise à bloquer leurs ambitions de conquête du pouvoir en 2021. Mais l’essentiel n’est pas là. Ce qui fait peur, c’est que le parrainage donne lieu à une espèce de marathon pour s’enrichir ou les blocs UP, BR et FCBE tiendront les ficèles et seront les seuls maitres du jeu politique dans les prochains jours.

Oui ! Il faut l’avouer que décrocher ce visa est une performance pour certains candidats sans grande envergure ni assise politique. Scientifiquement, c’est à l’élu de choisir à qui offrir son parrainage. De même, un parrain potentiel a parfaitement le droit de ne vouloir parrainer personne… Il est libre de s’abstenir. Le comportement des parrains ne doivent en aucun cas être influencé par l’appartenance du candidat à une famille politique. On doit ôter à ces dispositions son caractère partisan comme le pensent certains. A tout ceci il faut ajouter que le profil socioprofessionnel, l’opinion politique et/ou religieuse ne doivent point porter entrave à l’acte de parrainage en politique. Le rôle fondamental des maires et députés est de bien accompagner le processus électoral vital pour la démocratie.

Le parrainage est une révolution à sa propre échelle car il faut d’abord franchir le rubicon auprès des élus le peuple avant de venir vers le peuple lui-même.

Mais il convient d’attendre de voir comment la classe politique implémentera cette disposition du nouveau code électoral. Les élus BR, UP, FCBE auront-ils la main libre d’accompagner les potentiels candidats ? La décision de parrainer X ou Y relèvera-t-elle exclusivement des orientations du Bureau politique des blocs en présence ? L’opposition pourra-t-elle décrocher le précieux sésame ?

Nos élus sont-ils assez outillés pour mener à bien cette mission ? Se laisseront ils monnayer comme certains le pensent ? Voici exposées autant d’interrogations.

La discrétion dans le processus de parrainage garantirait la totale liberté des élus qui décideraient en leurs âmes et consciences du choix de parrainer X ou Y en 2021. Pour garantir le débat démocratique au Bénin,  il y a une vraie nuance à faire car « parrainer n’est pas soutenir ». Et c’est encore là, un autre aspect du débat. On ne prétend point aborder tous les aspects de la question ici car dans les prochains jours, cette disposition fera couler beaucoup d’encre et de salive.

Mais ce qui réjouit déjà, c’est l’engouement des élus béninois sur le sujet. C’est bien la preuve qu’ils sont prêts à s’y investir. Sous réserve du prochain succès de cette réforme majeur de la Rupture, il va falloir continuer d’apprendre à le faire.

Charles Christel ADOMASSE

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