A une semaine de l’élection présidentielle, la candidate démocrate avait choisi, pour son dernier grand meeting, Washington et la pelouse de l’Ellipse, là même où Donald Trump avait chauffé à bloc ses partisans le 06 janvier 2021 avant l’assaut du Capitole.
Depuis le début de la campagne électorale, la vice-présidente et candidate démocrate à la présidentielle américaine, Kamala Harris, la voix posée, le décor toujours solennel, harangue la foule pour faire adhérer à sa cause la majorité des américains . Elle a prononcé sa plaidoirie finale, mardi 29 octobre, au cœur de la capitale, pour appeler les Américains à « écrire le prochain chapitre » de l’histoire politique nationale. Dans son dos se dessinaient les lumières tremblantes de la Maison Blanche. Face à elle, des dizaines de milliers de personnes et le majestueux obélisque du Washington Monument.
C’est d’une estrade identique sur cette pelouse de l’Ellipse que Donald Trump avait relayé devant ses partisans les mensonges sur les fraudes électorales, le 06 janvier 2021, les appelant à manifester au Capitole. En soi, le lieu choisi, mardi, était un message, disant l’enjeu dramatique du scrutin à venir.
« Donald Trump a passé une décennie à diviser le peuple américain et à nous convaincre d’avoir peur les uns des autres, a noté Kamala Harris. Voilà qui il est, mais, Amérique, je suis ici, ce soir, pour vous dire que ce n’est pas qui nous sommes. » L’équilibre du discours lui-même était révélateur. Sujet phare de mobilisation à gauche, l’avortement fut abordé, mais assez brièvement. Les projets et les discours haineux du « petit tyran » Donald Trump furent dénoncés, mais Kamala Harris ne s’est pas enfermée dans un rôle restrictif d’accusatrice publique, qui aurait prolongé la confusion des anathèmes qui lassent le grand public.
Engagé dans la dernière ligne droite de la campagne présidentielle américaine, le candidat républicain Donald Trump a multiplié ces dernières semaines les outrances et les déclarations injurieuses contre sa rivale démocrate Kamala Harris. Une surenchère soutenue par la base du milliardaire new-yorkais qui pourrait toutefois rebuter les électeurs encore indécis. Cette stratégie sera t elle payante ?
Chargé avec d’autres de chauffer la salle avant l’arrivée sur scène de Donald Trump dimanche 27 octobre, Tony Hinchcliffe a comparé Porto Rico à « une île flottante d’ordures au milieu de l’océan », provoquant un tollé et contraignant de nombreux responsables républicains à prendre leurs distances. « Cette plaisanterie ne reflète pas l’opinion du président » Trump, a même assuré une porte-parole du candidat, cherchant à limiter d’éventuelles pertes chez les quelque six millions d’électeurs portoricains vivant aux États-Unis.
L’ancien président américain a préféré minimiser le problème. « Personne n’avait jamais vu une chose comparable à ce qui s’est produit lors de cette soirée au Madison Square Garden », a-t-il déclaré, mardi 29 octobre, depuis sa résidence en Floride. « C’était comme une fête de l’amour, une absolue fête de l’amour. »
Outre les propos racistes sur Porto Rico, le meeting de New York a été marqué par de nombreuses insultes personnelles lancées par Donald Trump lui-même contre la candidate démocrate Kamala Harris, une vice-présidente « incompétente » et « idiote », qu’il accuse d’avoir ouvert les vannes de l’Amérique pour faire entrer des millions de migrants « criminels ».
« Cette personne ne peut pas être présidente. Elle est trop faible et trop bête pour représenter l’Amérique sur la scène internationale », avait-il déjà déclaré la veille dans la ville de Novi, dans le Michigan, ajoutant même que c’était une « droguée ».
« Tu es une vice-présidente de merde, la pire vice-présidente, Kamala, tu es virée. Dégage d’ici, fous l’camp », avait-il aussi affirmé le 19 octobre à Latrobe, en Pennsylvanie.
« Stratégie populiste » comparable à celles de Modi, Orban ou Erdogan
Une rhétorique désormais habituelle pour celui qui qualifie aussi sa rivale de « marxiste », de « communiste » ou de « fasciste » et qui, dans les dernières semaines de campagne, semble n’avoir plus aucune limite dans son discours xénophobe, accusant les migrants d' »empoisonner le sang du pays » ou de « manger » des animaux domestiques.
De son côté, Kamala Harris ne manque jamais une occasion de mettre en doute les capacités mentales et morales du milliardaire républicain. « Donald Trump ne devrait plus jamais se tenir derrière le sceau du président des États-Unis. Il n’a pas mérité ce droit », a-t-elle répondu lors d’une interview sur la chaîne MSNBC.
« Même si Donald Trump a toujours eu des propos insultants vis-à-vis de ses adversaires, il y a clairement une radicalisation de son discours par rapport aux campagnes précédentes, qui consiste à fabriquer et à combattre des ennemis de l’intérieur », explique Jérôme Viala-Gaudefroy, docteur en civilisation américaine, professeur à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye et auteur du livre « Les Mots de Trump » (éd. Dalloz, 2024).
Après analyse de l’ensemble des discours de Donald Trump entre 2015 et 2024, Nikita Savin et Daniel Treisman affirment que l’utilisation faite par Donald Trump d’un langage violent « dépasse celle de presque tous les autres politiciens démocratiques que nous avons examinés ».
« Ses références répétées à des ‘meurtriers, violeurs et voyous’ brossent le tableau d’une nation assiégée, exacerbant l’anxiété de ses partisans. Dans le même temps, il se présente comme un leader fort, capable de confronter ces menaces », écrivent-ils.
« C’est une stratégie populiste qui consiste à dire qu’il est seul légitime à gouverner et que tous les autres sont illégitimes et dangereux. C’est une rhétorique comparable à celles de Narendra Modi en Inde, de Viktor Orban en Hongrie ou de Recep Tayip Erdogan en Turquie », ajoute le politologue Yascha Mounk, professeur de théorie politique à l’université Harvard et auteur du livre « Le Piège de l’identité » (éd. de l’Observatoire, 2023).
Donald Trump repousse également les limites en matière de vulgarité. Lors d’un meeting à Latrobe, en Pennsylvanie, le 19 octobre, le républicain de 78 ans a ouvert son discours par une digression sur la star locale, Arnold Palmer (1929-2016), légende américaine du golf, en expliquant combien les autres golfeurs professionnels étaient impressionnés par l’appareil génital du champion. « Quand il prenait une douche avec les autres pros, ceux-ci s’exclamaient : ‘Oh mon Dieu, c’est incroyable' », a déclaré le candidat à la Maison Blanche.
Dans le podcast The Dan Bongino Show diffusé la veille, Donald Trump avait aussi confié son étonnement que l’ancien magnat d’Hollywood Harvey Weinstein, condamné et incarcéré pour viol et agressions sexuelles, ait été « niqué », utilisant le mot « schlonged », un terme obscène faisant référence au pénis.
En roue libre, il a également sous-entendu à plusieurs reprises que Kamala Harris avait bénéficié d’une accélération de carrière grâce à sa relation intime à l’époque avec l’ancien maire de San Francisco, Willie Brown, repostant même une vidéo suggérant que la démocrate avait passé une partie de sa vie à genoux, à pratiquer des fellations.
Et lors d’un meeting à Détroit, le 18 octobre, Donald Trump a enjoint ses militantes de dire à leur « gros porc de mari de se bouger du canapé et d’aller voter Trump ».
« Le nouveau Parti républicain est devenu avec Donald Trump le parti qui refuse le politiquement correct et qui repousse les limites de la bien-pensance, de ce qu’on peut dire ou de ce qu’on ne peut pas dire, et c’est quelque chose de très populaire », observe Yascha Mounk.
« Cette stratégie a été appelée ‘la politique du doigt d’honneur’ et ça plaît effectivement à une partie de son électorat. Donald Trump ne fait pas une campagne classique au centre. Il cherche à motiver sa base et les abstentionnistes. Il s’adresse non pas à ceux qui hésitent entre lui et Kamala Harris, mais à ceux qui hésitent entre aller voter Trump ou rester à la maison. Et il estime que c’est ce type de langage qui pourra motiver ces électeurs », souligne Jérôme Viala-Gaudefroy.
Une stratégie à double tranchant. Car à trop repousser les limites, Donald Trump pourrait aussi finir par rebuter les républicains modérés, alors que chaque voix comptera pour la présidentielle du 05 novembre 2024.
Que disent les sondages à une semaine de la présidentielle
Etats-Unis. Les candidats sont toujours au coude-à-coude.
Le 05 novembre prochain pourrait bien être l’élection présidentielle la plus serrée de l’histoire américaine. A une semaine jour pour jour de la date fatidique, aucun vainqueur ne semble se dessiner dans les sondages. Au contraire, selon l’agrégateur des intentions de vote, FiveThirtyEight, la course à la Maison-Blanche deviendrait même de plus en plus serrée. Au 29 octobre, la candidate démocrate Kamala Harris figure en tête des sondages, avec un timide score de 48,1 % contre 46,7 % pour son rival républicain. La semaine passée, l’actuelle vice-présidente des Etats-Unis bénéficiait de 48,2 % de soutien, tandis que Donald Trump était légèrement distancé avec 46,4 %.
La démocrate disposait pourtant d’une avance décisive jusqu’au débat du 10 septembre opposant les deux candidats, avant que celle-ci ne commence à s’effriter à la mi-octobre. Aujourd’hui, Kamala Harris concède sa plus faible avance depuis mi-août. Selon un sondage du New York Times, Donald Trump serait même monté à 48 % dans les intentions de vote, contre 49 % pour la démocrate.
Alors que les sondages nationaux tendent à s’équilibrer, ceux des Etats clés pourraient bien ajouter une dose d’incertitude. D’après FiveThirtEight, la vice-présidente serait en tête dans le Michigan avec une avance de 0,7 point. Le Wisconsin, le Nevada et la Pennsylvanie seraient, quant à eux, le théâtre d’un véritable coude-à-coude entre les candidats, les plaçant à égalité dans les sondages. Enfin, le milliardaire serait toujours désigné 47e président des Etats-Unis en Arizona avec 1,8 point de plus que sa rivale, en Géorgie avec 1,5 point, ainsi qu’en Caroline du Nord avec 1,2 point. Une avance confortable dans ces trois Etats susceptibles de décider de la présidence, mais insuffisante au vu de l’inexorable marge d’erreur des sondages.
Selon le New York Times, entre 1988 et 2020, l’ultime estimation des sondages nationaux se trompait de 2,3 points en moyenne. Une marge d’erreur qui pourrait faire basculer le courant de l’élection présidentielle 2024. D’autant plus qu’en 2016 et 2020, la quasi-totalité des moyennes des sondages réalisés au niveau de chaque Etat avait sous-estimé le soutien des électeurs apporté Le regard cash d’un éditorialiste américain sur Kamala Harris : « Le risque qu’elle commette une erreur fatale est élevé »
Selon le rapport d’une organisation professionnelle d’instituts de sondage, mis en lumière par le New York Times, la principale cause de ces marges d’erreur serait l’absence de prise en compte du niveau de formation des électeurs. En 2016, les sondages ont surreprésenté les électeurs ayant effectué des études supérieures et sous-estimé ceux n’ayant pas atteint ce niveau de diplôme. Mais en 2016, à l’instar des années qui ont suivi, les électeurs sans diplôme universitaire faisaient partie des principaux soutiens des républicains, et plus particulièrement, de Donald Trump. Seulement, depuis, des analyses ont permis de montrer que les marges d’erreur jouent aussi bien en faveur des républicains que des démocrates, compliquant davantage les prévisions.
De précieuses voix
Pour l’emporter, les candidats n’ont aucune autre solution : ils doivent établir une avance confortable dans les sondages. En commençant par gagner le soutien des électeurs afro-américains et hispaniques, des minorités ethniques précieuses pour s’emparer du Bureau ovale. Le 5 novembre prochain, près de 36 millions d’électeurs latino-américains devraient se rendre aux urnes. Une communauté de plus en plus séduite par le camp républicain. Selon le New York Times, 37 % des hispaniques auraient l’intention de voter pour Donald Trump le mois prochain, contre 28 % en 2016. A l’inverse, 56 % de la minorité ethnique serait décidée à soutenir les démocrates cette année, contre 68 % en 2016.
Même constat du côté des électeurs noirs. 7 % d’entre eux votaient républicain en 2016 contre 15 % à l’heure actuelle, et 92 % votaient démocrate en 2016 contre 78 % en 2024. Et ce, malgré l’accumulation de remarques racistes prononcées par le camp républicain. Le 27 octobre, lors du meeting de clôture de Donald Trump au Madison Square Garden à New York, l’humoriste Tony Hinchcliffe a comparé le territoire américain Porto Rico, à « une île flottante d’ordures au milieu de l’océan ». L’un des conseillers de Donald Trump, Stephen Miller, a, quant à lui, clamé que « l’Amérique [était] pour les Américains et les Américains seulement ».
Des sorties racistes qui pourraient peut-être coûter cher au candidat républicain.
Chose certaine, les américains départagerons les deux candidats à l’issu du scrutin qui s’annonce déjà
Très serré.
Mick de BADAR
(Source internet)
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