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Afrique : « La vérité est que l’Europe nous a pris des choses qu’elle ne pourra jamais restituer »

Le philosophe camerounais Achille Mbembe au festival Etonnants Voyageurs, à Saint-Malo,

Bénédicte Savoy et Felwine Sarr ont finalement remis au président Emmanuel Macron un rapport concernant la restitution des objets africains aujourd’hui conservés dans les musées de France. Pour des raisons historiques fort compréhensibles, Emmanuel Macron avait limité le champ de la mission aux anciens territoires sur lesquels la République exerça des responsabilités. On peut difficilement lui faire le reproche de ne pas l’avoir étendu au-delà du périmètre colonial africain.

La mission n’avait pas non plus pour tâche de s’occuper des captations de patrimoines résultant des conflits intra-africains précoloniaux. Là où ils existent, la résolution de tels différends incombe entièrement aux Africains et à eux seuls.

Le rapport de Sarr et Savoy propose une série de recommandations honnêtes, raisonnables et réalistes, dont la mise en œuvre, étalée dans le temps, requiert un dialogue critique soutenu entre les institutions muséales françaises et africaines. Sans a priori ni préjugés, un tel dialogue pourrait ouvrir la voie à un nouveau moment culturel franco-africain de portée mondiale.

Comme n’ont eu de cesse de le souligner les auteurs du rapport, au-delà de la restitution matérielle des artefacts, l’objectif est de recréer les conditions d’une relation faite de réciprocité et de mutualité. Il ne s’agit pas, comme l’insinuent certaines critiques malveillantes, de vider les musées de France. Il s’agit de réparer un tort historique et d’offrir à la France la chance de fonder sur d’autres bases sa relation avec l’Afrique, aux fins de ce qu’il faut appeler le bien du monde.

Régurgiter des préjugés

Alors que la tonalité du rapport et ses conclusions ont été favorablement accueillies par les Africains, premiers protagonistes dans ce différend historique, celles-ci suscitent d’ores et déjà d’innombrables débats et controverses hors du continent. La traduction du rapport en anglais aidant, la dispute ne se limite plus à l’Hexagone.

Si la plupart de ces critiques sont feutrées, voire paternalistes, d’autres sont acerbes et d’autres encore simplement opportunistes, même lorsqu’elles sont parées d’un léger vernis académique. Les plus stridentes viennent des Etats-Unis et du monde anglo-saxon. Elles sont, pour l’essentiel, de nature idéologique, teintées du mépris habituel pour l’Afrique et les choses africaines. Dans chacun de ces cas, la démarche est à peu près la même. Elle consiste à soutenir du bout des lèvres le principe de la restitution, mais toujours dans le but d’en neutraliser la portée transformatrice.

Génuflexion faite, on se hâte de relever longuement toutes les conséquences putativement négatives qu’entraînerait toute restitution pour les musées d’Occident érigés, à l’occasion, en derniers remparts de ce que le philosophe Souleymane Bachir Diagne appelle un « universalisme de surplomb ». Le dommage, déjà subi par l’Afrique en conséquence de la confiscation de ses objets et celui encouru en cas de non-restitution, est prestement passé sous silence.

Par ailleurs, dans leur défense du statu quo, nombre de critiques se contentent de régurgiter des préjugés que le rapport a pourtant minutieusement réfutés. Ainsi en est-il du préjugé juridique au nom duquel, prétend-on, le droit – en l’occurrence diverses variantes du droit patrimonial européen – n’autoriserait guère de rendre ces artefacts à leurs ayants droit. Nul n’ose nier que ces objets aient été créés par des Africains. On fait néanmoins comme si la réponse à la question de savoir à qui ils appartiennent ne dépendait absolument pas de celle préjudicielle de savoir d’où ils viennent et qui en sont les auteurs.

Lire la suite : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/12/01/achille-mbembe-la-verite-est-que-l-europe-nous-a-pris-des-choses-qu-elle-ne-pourra-jamais-restituer_5391216_3212.html

Source : Internet

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