3eme mandat suspect en Afrique : le message de Mathias Hounkpè à Ouattara et Condé

 

Avec le rétropédalage du président Alassane Ouattara qui est candidat pour la présidentielle d’octobre 2020, les réactions fusent de partout sur le continent africain. Le politologue Mathias Hounkpè fait partir de ces africains qui ne comprenne pas pourquoi Ouattara postule à un troisième mandat alors qu’il aurait pu entrer par la grande porte dans l’histoire. Il faut un jumelage de deux pays (la Côte d’Ivoire et la Guinée) pour montrer sa déception face à deux présidents (Alassane Ouattara et Alpha Condé) qui ont choisi de ne pas suivre les exemples de pays comme la Sierra Léone et le Libéria. En dépit des guerres et des traumatismes vécus par leurs pays et, surtout, des fragilités qui continuent de les caractériser, les anciens présidents, Johnson Sirleaf et Ernest Koroma, ont quitté le pouvoir après deux mandats. Lisez ci-dessous l’intégralité du message de l’administrateur du programme gouvernance politique à Osiwa, Mathias Hounkpè.

Président Ouattara : Je n’arrive pas à vous croire !

M. le Président, j’ai écouté puis lu votre discours du 6 août 2020 et je dois vous avouer que revenir sur votre parole parce que vous seriez le seul aujourd’hui à même de maintenir « la paix, la sécurité nationale …, juguler la crise sanitaire (et de prévenir) le risque que … les acquis … soient compromis » en Côte d’ivoire ne me convainc pas. Nous ne sommes que des êtres finis, et l’histoire des sociétés d’ici, y compris en Côte d’Ivoire, et d’ailleurs nous enseigne que les pays continuent leur marche, avec des hauts et des bas, en l’absence d’hommes qui pourtant pensaient qu’ils étaient indispensables.  J’ai pensé, M. le Président, que vous et M. Alpha Condé, votre homologue de la Guinée (dont il n’y a pas de doute sur la candidature), suivriez les exemples de pays comme la Sierra Léone et le Libéria, dont les anciens présidents, Mme Johnson Sirleaf et M. Ernest Koroma, ont quitté le pouvoir après deux mandats en dépit des guerres et des traumatismes vécus par leurs pays et, surtout, des fragilités qui continuent de les caractériser.

Malheureusement, vous semblez, du moins pour le moment, préférer suivre l’exemple du Président Faure Eyadema, du Togo. Tous ceux qui, comme moi, pensaient naïvement que vous deux, étant donné votre âge, vos parcours politiques et professionnels et les luttes que vous avez menées, n’étiez pas dans la même catégorie, en avons pris pour notre grade. Et c’est bien fait pour nous ! J’ai pensé, M. le Président, que vous et le Professeur Alpha Condé, alliez tenir compte de l’opportunité unique, du privilège que vous offre le destin de prendre une place spéciale dans l’histoire de vos pays. Comme vous le savez mieux que moi, aussi bien en Côte d’Ivoire qu’en Guinée, il n’y a pas d’ancien président élu qui, à la fin de sa charge, a passé, à l’issue d’élections pacifiques, la main à un nouveau président élu. Vous devriez être les premiers dans vos deux pays, des précurseurs qui montrent également l’exemple à suivre. Mais une fois encore, j’en ai eu pour mon grade et c’est bien fait pour moi.

Heureusement qu’en Afrique de l’Ouest, jusque-là, vous êtes très minoritaires, vous n’êtes que trois (03) à recourir à des artifices juridiques pour justifier le maintien au pouvoir à volonté dans nos démocraties qui ont pourtant besoin de modèles. Heureusement, il y a dans notre sous-région, et dans plusieurs pays, des femmes et des hommes qui ont librement quitté le pouvoir après 2 mandats même si leurs pays font face à des défis, pour certains beaucoup plus critiques que la Côte d’Ivoire. Il s’agit, par exemple, de MM. Kérékou (paix à son âme) et Yayi au Bénin, de M. Pires au Cap-Vert, de MM. Rawlings et Kufuor au Ghana, de Mme Sirleaf au Libéria, de M. Konaré au Mali, de M. Obasanjo au Nigéria, MM. Tejan Kabbah (paix à son âme) et Koroma en Sierra Léone, et, nous le croyons de M. Issouffou au Niger dans quelques mois. Nous sommes déçus, bien au-delà des mots, et c’est bien fait pour nous ! Déçus, certes ! Pour autant, nous n’avons pas de raison de désespérer !

 

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