Opinion libre du Doyen Karim Urbain Elisio Dasilva : Un si profond amour (Un bel hommage à son épouse, Marie José Sombo)

Opinion libre du Doyen Karim Urbain Elisio Dasilva :
Un si profond amour
(Un bel hommage à son épouse, Marie José Sombo)

C’était en 1951, alors qu’il avait à peine 23ans, et était établi à Léopoldville (actuel Kinshasa), que mon oncle, Urbain Karim Elisio da SILVA, fit la connaissance d’une belle jeune fille, âgée de 16 ans environ. Elle était alors speakerine à Radio Léopoldville au Congo ex Belge. Elle s’appelait Marie José. Marie José SOMBO.
Aujourd’hui encore, il est difficile à mon oncle d’expliquer la transformation qui s’opéra en lui lorsqu’il découvrit, que pubère, elle n’avait pas encore connut d’homme.
Elle sut en saisir l’opportunité, pour exiger de mon oncle, d’aller faire la connaissance de ses parents, avant tout développement, toute progression de leurs relations. Ce que fit l’oncle Elisio, en ayant recours aux siens de Brazzaville, qui étaient Matinou et Ismaïl PARAÏSO, respectivement son oncle et son cousin, installés dans la même ville à cette époque.
Ils entreprirent d’aller rencontrer les parents de Marie José, pour les cérémonies de connaissance et de demande de main. Ces cérémonies exigées par les parents SOMBO, à quelques variantes près, étaient les mêmes que celles qui se déroulaient chez nous au Dahomey/Bénin. Ce qui contrastait avec les pratiques qui avaient cours, partout ailleurs au Congo, où l’on offrait plutôt force casiers de bière.
Ainsi le mariage coutumier entre Mari José et l’oncle Elisio fut célébré. Devenue épouse da SILVA, elle prit le pli de prendre le bateau mouche appelé « Pinasse » reliant en quelques minutes Léopolville à Brazzaville, pour rejoindre son mari, tous les jours, au Congo ex-français. Tôt le matin, après avoir fait le ménage et toutes les tâches qui lui incombaient, elle regagnait son lieu de travail à Léopoldville.
Très vite, l’oncle Eliso, eut l’occasion de découvrir que sa première épouse si jeune, était une femme particulièrement éveillée, curieuse de toutes les choses de la vie et par-dessus tout, intelligente et toujours avide d’apprendre. Aussi sut-elle se mettre à son école très vite.
Ainsi quand l’oncle Elisio créa Publafric (dépliant publicitaire) et le journal, « l’Echos congolais », dont il était naturellement le rédacteur en chef, il eut à initier Marie José au métier de journalisme. Elle se révéla alors très réceptive et éveillée, posant tous les jours des questions pour mieux tout saisir, pour comprendre et savoir.
C’est visiblement là, l’histoire d’un génie précoce, dont il fallut, pour son épanouissement, que ces deux êtres épris l’un de l’autre se rencontrèrent. En effet, à cette époque et peut-être aujourd’hui encore, aucune femme du Congo dans le contexte du pays, caractérisé par la recherche effrénée du plaisir, l’intempérance et la vie facile, ne rêvait de connaissance ou à se mettre à l’école d’un maître, pour apprendre et avancer dans la vie.
Il n’est pas étonnant que des années plus tard, Marie José SOMBO épouse Elisio da SILVA, devenue rédactrice du journal congolais « l’Avenir » fut l’unique journaliste de son temps et de son Etat, qui, membre d’une délégation congolaise à Bruxelles, fera la remarque suivante : « qu’aucune Eve noire n’ait été invitée à faire partie d’aucune autre délégation de visiteurs . C’était en avril-mai 1956 en Belgique. »
Il faut dire qu’entre temps, en terminant son séjour au Congo ex-Belge, en 1954, l’oncle Elisio, savait que Marie José, pour la suite de sa carrière, était en de bonnes mains, celles de futurs héros patriotiques congolais comme Patrice LUMUMBA, Joseph MOBUTU etc
Avant son départ du Congo, l’oncle Elisio, eut également l’occasion d’initier son épouse au métier de composition de chanson en langue locale « le lingala » Ainsi, avec et pour le célèbre musicien congolais Joseph KABASSELE, il écrivit des chansons en langue française que sa chère épouse Marie José, traduisait en langue locale le « lingala »
Dans ce domaine également, elle fit preuve de créativité et d’intelligence. Elle eut ainsi à composer avec beaucoup d’affection une chanson pour la compagne du cousin de son mari, Isaac PARAÏSO qui, s’était joint à eux. Le morceau connut un succès retentissant. Ainsi, le prénom Félicité et le nom PARAÏSO devinrent sous la plume de sa dulcinée, Marie José, le diminutif affectueux de « Paraffi » qui, introduit dans une chanson, fit le tour du monde, et connut un grand succès au profit d’une entreprise occidentale.
Après son départ des deux Congo et son éloignement de sa chérie, pour des non-dits, ou pour des choses qu’on ne peut rapporter et encore moins écrire, les temps ont passé. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Bien que Marie José ait dû refaire sa vie, visiblement, elle n’oubliera jamais Elisio. Elle ne cessera de le poursuivre. Allant jusqu’ à déclarer que son ombre la suit partout.
A un moment de la vie, ayant appris son retour au Dahomey/Bénin, la voici débarquée à Lagos, au domicile de monsieur Kola THOMSON, un ami, directeur de société, qui avait été, du Nigéria, affecté au Haut-Congo, dans la grande entreprise « UNILEVERS ». Il parlait très bien le lingala. Celui-ci sut envoyer Marie José à Porto-Novo, chez les da SILVA. Là, elle rejoignit facilement, oncle Elisio, prête à reprendre une vie commune. Car comme elle le disait : « Je suis mariée, mais quelque chose brûle en moi. Ton amour me hante. »
Qui oserait accepter un tel retour en arrière ? Oncle Elisio sut lui montrer et lui dire que désormais elle était pour lui comme une sœur. Pour toute réplique, elle lui demanda de dire à son épouse, chez qui elle logera, qu’elle fut sa première femme. Ce que chacun savait déjà. Mais elle tenait à ce que son Elisio précise que c’est lui, qui fut le premier homme de sa vie. Le premier avec qui elle vécut en ménage, maritalement.
De même, quand au cours de l’année 1978, l’oncle Elisio se rendit à Brazzaville, pour un séjour auprès de son cousin, Laurent EMMANUEL, Marie José saisit la première occasion pour venir dans la ville voisine de la sienne, dès qu’elle sut que, Elisio était si près d’elle. Elle lui déclarera alors : « Mets ça dans ta tête, moi, je ne peux jamais te quitter. »
A son retour au Congo, puis en Belgique, voici la lettre manuscrite qu’elle m’envoya.
Sa lettre écrite de Bruxelles, après son retour de Porto-Novo était très touchante et même bouleversante. Lisons-la plutôt !
Bruxelles, 27 – 2 – 83
Elisio mon mari,
Si je me permets encore de t’écrire ces quelques
lignes, c’est parce, il y a quelque chose
en moi qui me pousse à t’écrire.
Elisio, vraiment tu m’as étonné. Depuis notre
entrevue à Brazzaville et encore à Porto-
Novo, jusqu’à présent, je n’ai plus aucune
nouvelle, malgré mes lettres sans réponse.
Je n’ai pas beaucoup à te dire seulement, je te
demande de m’écrire à cette adresse, M.J.
Sombo, 24, av. Marengo Waterloo Belgique .
Je salue toute la famille et je t’embrasse.
Ton épouse
Marie José.
Pour cette étoile découverte à 16 ans, et qui vient de s’éteindre à 88 ans, je crois que l’oncle Elisio éprouvera, pour toujours, de profonds sentiments. Sa curiosité, sa soif de connaissance, en feront une grande dame dans l’intelligentsia de son pays.
Bien qu’elle ne soit pas une universitaire ayant fréquenté les grandes écoles, elle participera à un niveau très élevé à la vie politique du Congo à côté des héros de l’indépendance, puis au Zaïre pour la construction de son pays. Elle eut beaucoup de succès et bien des faits et des témoignages le prouvent. Elle fit l’admiration de bien d’intellectuels tels que Thomas KANZA que l’oncle ELiso a personnellement reçu à Porto-Novo, Ancien et premier représentant du Gouvernement Lumumba aux Nations-Unies, puis ambassadeur dans de nombreux pays occidentaux et autres.
En définitive, l’oncle Elisio, reste convaincu, sentiment que nous partageons avec lui, que cette fleur originaire du KASAÏ , comme certes le fut Patrice Emery LUMUMBA, par sa vie bien remplie, studieuse, toujours en mouvement pour apprendre et savoir mérite bien le titre de héros national à titre posthume.

Porto-Novo le 17 mars 2023
Karim Urbain Elisio Dasilva

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